Chronique d'Aks : Peut-on parler sans tout savoir ?
Le titre de cette nouvelle chronique ressemble à un sujet de bac de philosophie, mais n'ayez pas peur, je ne vais pas m'improviser aficionado de Socrate ou de Montaigne. Je vais revenir sur un sujet lancé par Adil "ScreaM" Benrlitom et Fabien "kioShiMa" Fiey, en réaction au Flickshow numéro 28 où Sébastien "krL" Perez donnait des informations qui semblent "inexactes" sur certains joueurs actuels de l'équipe EnVyUs. Si je vais éviter au maximum le fond de l'affaire, parce que ce n'est pas mon rôle, je vais reprendre sans jugement sa forme pour illustrer quelques idées.
Alors ? Peut-on parler en "ne se sachant rien" ou "en n'y connaissant rien" ?
Grâce à certains chroniqueurs sportif ou esportif bien célèbres, une première partie de réponse a déjà été traitée et actée : il n'est pas nécessaire d'avoir été le meilleur joueur du monde dans une discipline pour être légitime à en parler. Pierre Menez n'a pas été champion de football et sa condition physique actuelle ne lui permettra pas de faire une prouesse la balle au pied. Pourtant, qu'on l'apprécie ou non, c'est un chroniqueur légitime du monde du football, grâce à son travail de journaliste pendant deux décennies. Duncan "Thorin" Shields n'est pas un grand joueur, ni même un grand technicien de Counter-Strike, c'est sa capacité à affirmer des idées, son bagout et sa culture de Counter-Strike qui font de lui un chroniqueur légitime, apprécié ou non.
Il faut bien une certaine légitimité pour challenger quelqu'un sur un sujet : Il faut connaitre les règles du football pour pouvoir affirmer qu'il y a une faute. Il faut avoir des bases solides de Counter-Strike pour s'affirmer sur des sujets de stratégies ou de rôles. Mais Jacques Chirac a le droit de parler d'esport ou de Counter-Strike s'il nuance ses propos avec des incertitudes ou des soifs d'apprendre, puisqu'a priori, il n'y connait pas grand-chose. Tout comme tout un chacun peut parler de politique avec cet ancien président.
Dans le cas hypothétique, d'un joueur qui aurait refusé un entrainement, à partir de quel moment peut-on en parler ? Faut-il que le joueur lui-même l'ait dit sur son compte twitter officiel ? Pour ma part, je conçois la chose un peu différemment et c'est l'une des raisons qui m'a fait rejoindre les rangs de Flickshot au départ : il y a un travail journalistique. Et comme le dit neL pendant ce Flickshow : "Il y a une différence entre des informations et des rumeurs". Cette différence réside dans ce travail de recherche et de recoupage d'informations.
Le public, dont je fais assidûment partie depuis de nombreuses années, est intéressé par les évènements qui se produisent en coulisse : pourquoi une équipe fonctionne ? Pourquoi une line-up ne marche pas ? Pourquoi untel choisi tel joueur plutôt que celui-ci, etc. Et ce n'est pas par voyeurisme, mais simplement un sujet passionnel. La plupart du temps vous entendez des anecdotes "underground" sur la scène française ou mondiale dans les Flickshows, rapportées par neL ou ses invités, ou par exemple chez Cnd ou Thorin dans certaines de leurs interviews.
Lorsqu'une anecdote est donnée par un journaliste, ou par un invité, il y a en général plusieurs sources qui l'ont confirmé. Sous peine que le journaliste soit délaissé par les protagonistes de la scène ou que l'invité n'ait plus les moyens de s'exprimer dans les médias parce qu'il aurait une réputation de "menteur".
Depuis la professionnalisation de la scène, la politique de nombreuses structures est d'encadrer la communication de l'équipe et donc de contrôler strictement ce qui sort, c'est donc bien aux journalistes, chroniqueurs et acteurs de la scène de faire le travail.
On ne demande que sa de pouvoir communiquer de ce qu’il se passe dans notre équipe. L’organisation nous demande de rester silencieux
— EnVy kioShiMa (@kiocsgoo) 6 juin 2018
D'après ce tweet, c'est le cas chez EnVyUs, à tort ou à raison, cela pourrait être le sujet d'une autre chronique tellement le sujet est vaste.
Bien sûr, il faut contrôler les informations transmises, soit parce qu'elles n'apportent pas de valeurs ajoutées (gossip, vie privée, etc.) soit parce qu'elles sont trop controversées pour sortir publiquement dans certains contextes. Et il faut savoir employer un mode de communication bien utile pour certaines informations : le conditionnel. Si certains abusent fortement de ce mode dans la presse généraliste, dans l'objectif de faire gonfler les statistiques, la seule crédibilité de Flickshot réside dans la véracité des informations rapportées, 39 breakings news écrites depuis le 13 novembre 2016, trois se sont avérées inexactes (dennis chez mouz, s1mple chez SK et xizt chez fnatic à la place de Golden) parce que les négociations ont échoués, mais dans les trois cas les informations étaient fiables et ont été confirmées.
Il est donc important de s'exprimer d'une part avec des précautions de langage (conditionnel) et avec des sources fiables, pas simplement l'un des deux.
Du coup, ScreaM et kioShiMa ont tord ?
Non, pas nécessairement. D'abord, ce genre d'information froisse l'égo, il peut donc y avoir des réactions hasardeuses et c'est compréhensible. Ensuite, l'un comme l'autre ont peut-être une vision du "problème" soulevé différente de la version rapportée : par exemple, y'a-t-il des circonstances atténuantes ? Si cela s'est produit tel que raconté, peut-être y a-t-il des facteurs qui ne sont pas pris en compte ? Peut-être que la vérité est légèrement différente ? etc.
Dans ses explications Adil "ScreaM" Benrlitom ne critique pas tout ce qui a été dit, mais simplement les critiques sur sa motivation. Et que les choses soient bien claires, s'il y a bien un individu qui peut parler de sa motivation personnelle mieux que n'importe quel journaliste ou chroniqueur, c'est bien le principal concerné, sur ce point ScreaM a 100% raison. La vision de l'entourage du joueur peut-être bien différente de sa propre vision, c'est la difficulté du cerveau humain et je renvoie ceux que cela intéresse à quelques idées écrites dans ma dernière chronique : sauvons la scène française.
Je remets pas tout le podcast en doute ou dit que cest complètement de la merde en barres. Mais quand ça remet ma motivation en cause alors que pas du tout, cest juste énervant enfaite. On est la depuis des années malgré les hauts/bas, salaire pas salaire. (Et ya eu bcp de bas)
— ScreaM (@nV_ScreaM_) 6 juin 2018
Comme dans tous les sujets que nous pouvons aborder au quotidien, je pense qu'il faut profondément accepter de ne pas avoir la stricte vérité à chaque fois. Dans l'histoire du bus de l'équipe de France à Knysna et l'affaire Anelka, la vérité de Raymond Domenech a éclaté il y a seulement quelques jours; et si de nombreux journalistes avaient à l'époque parlé de "mots" échangés, la majorité d'entre nous ne se souviennent que des hypothèses d'insultes à base de "Fils de p*te". Il semble pourtant, 8 ans après, que cela n'était qu'une exagération grossière de quelques journalistes. Peut-être que les protagonistes auraient pu le préciser à l'époque, mais la politique du secret existe partout.
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Si techniquement il semble que nous puissions tous nous exprimer librement sur n'importe quel sujet, il faut que chacun respecte une certaine éthique et une certaine remise en question : il y a toujours quelqu'un qui connait mieux un sujet que nous. De leur côté, les "célébrités" doivent considérer le besoin d'information du public sur les coulisses des équipes et se dire que si un jour Counter-Strike devient aussi populaire que le football, ce seront des sujets plus intimes que certains "journa-papa-razzi-listes" essaieront de traiter. Que Lord Gaben nous en préserve.
Et vous? Vous en pensez quoi?