Les équipes internationales : le futur de CS ?
Un peu d’histoire
De plus en plus d’équipes internationales voient le jour sur la scène Counter Strike et prennent de l’ampleur parmi les équipes du top 16.
Pour commencer, qu’est-ce qu’on considère comme étant une équipe internationale ? C’est un regroupement de joueurs de différentes nationalités communicants dans une autre langue que leur langue maternelle (typiquement l’anglais).
Ce modèle existe depuis longtemps au meilleur niveau sur d’autres jeux compétitifs tels que League of Legends ou Dota et même plus récemment sur Overwatch. Cependant, l’idée de créer une équipe internationale pouvant viser le sommet reste encore peu exploitée sur Counter Strike.
La première équipe internationale à faire son apparition en Major est le mix scandinave Xapso alors emmené par les deux joueurs danois Casper ‘cadiaN’ Møller et Philip ‘aizy’ Aistrup. Ce mix sort avec la dernière place à la Dreamhack Winter 2013 et se sépare après un échec aux Fragbite Masters deux mois plus tard. C’est cependant le premier signe qu’une équipe internationale peut avoir sa place dans le top 16 sur CS:GO. Le deuxième essai, qui semblait alors potentiellement prometteur, arrive fin 2014 avec mousesports et sa composition de joueurs aujourd’hui sur le devant de la scène tels que Finn ‘karrigan’ Andersen, Aleksi ‘allu’ Jalli et Johannes ‘tabseN’ Wodarz. Une offre de dignitas pour karrigan mettra fin à cette composition seulement quelques mois après leur formation.
C’est en mai 2015 que se forme la première vraie équipe internationale sous le nom de Kinguin. Cette équipe des “superstars” exclues de l’époque se compose de Adil ‘ScreaM’ Benrlitom, Mikail ‘Maikelele’ Bill, Håvard ‘rain’ Nygaard, Ricardo ‘fox’ Pacheco et Alexander ‘SKYTTEN’ Carlsson qui sera vite remplacé par Dennis ‘dennis’ Edman. Cette équipe enchaîne alors des résultats plutôt corrects et même des présences aux Majors. Malheureusement, l’équipe s’était alors construite autour de joueurs dits “exclus” de leur scène nationale respective et subit donc plusieurs départs suite à des propositions plus intéressantes ailleurs.
De fils en aiguilles, l’équipe a fini par trouver sa place chez FaZe Clan suite à un transfert de G2 Esports pour ma modique somme de 700 000 € et a su produire des résultats plus que corrects en s’imposant dans le top 5 ces derniers mois. Elle tient aujourd’hui sa promesse d’équipe superstar puisqu’elle affiche sans doute le meilleur cinq qu’on n’ait jamais vu sur cette version du jeu avec Håvard ‘rain’ Nygaard, Finn ‘karrigan’ Andersen, Nikola ‘NiKo’ Kovač, Ladislav 'GuardiaN' Kovács et Olof 'olofmeister' Kajbjer.
On peut citer aussi des équipes internationales notables telles qui mousesports, Hellraisers ou même PENTA qui ont été ou sont sur la pente montante. Même si elle doit encore faire ses preuves, on peut aussi mentionner la nouvelle équipe OpTic Gaming EU constituée de Adam 'friberg' Friberg, Aleksi 'allu' Jalli, Emil 'Magisk' Reif, Óscar 'mixwell' Cañellas et Kevin 'HS' Tarn qui semble déjà très prometteuse sur le papier.
Il faut noter que si les équipes internationales commencent à émerger, la professionnalisation du jeu se développe et construire une équipe de "superstars" coûte de l'argent... beaucoup d'argent. On sait par exemple que pour récupérer Finn ‘karrigan’ Andersen et Nikola ‘NiKo’ Kovač, FaZe Clan a dû débourser respectivement environ 70 000 € et 500 000 € soit quasiment la somme nécessaire à l'achat de l'équipe à G2.
La première vraie team internationale se crée
Pourquoi former une équipe internationale ?
Avant de présenter les problèmes inhérents à la création d’une équipe internationale, il est important de discuter des bénéfices d’une telle équipe et pour quoi en créer.
L’intérêt majeur de constituer une équipe internationale est la diversité des possibilités de compositions. Si l'on considère que n’importe quel joueur est capable de communiquer en anglais (ce qui est le cas hormis quelques grands noms des scènes francophones et CIS…), il est alors possible de créer l’équipe (ou même les équipes) parfaite sur le papier.
Les compositions sont pour le moment grandement limitées par le nombre de très bons joueurs au sein d’une même nation. Hormis quelques pays comme la Suède et le Danemark, les mêmes, 10 à 15 joueurs tournent depuis plusieurs années dans les équipes dominantes d’un pays. L’exemple est flagrant en France où on n’a eu que quelques changements significatifs de joueurs dans le top depuis 2013 avec notamment l’arrivée de Alexandre 'bodyy' Pianaro. C’est encore pire en Pologne avec Virtus Pro qui n’a pas bougé depuis le début, en partie faute de bons joueurs.
Le problème qui se pose alors, maintenant que le jeu a évolué en plaçant les joueurs dans des rôles distincts (cf. Présentation des rôles dans une équipe), est qu’il est difficile de trouver au sein d’un même pays des joueurs suffisamment forts sur tous les rôles et surtout qui l’aiment et se sentent confortables pour le jouer. Il est de même difficile de renouveler une équipe en changeant un joueur en cas de tensions internes entre les individualités. Prenons l'exemple de Kenny ‘kennyS’ Schrub. Si demain, son niveau chute drastiquement ou si son comportement devient ingérable, il est quasiment impossible de le remplacer par un autre sniper francophone d’un niveau équivalent.
L'équipe la plus forte sur le papier après ce changement ?
L’intérêt de former une équipe internationale est donc de pouvoir contourner ce problème. Sans prendre en compte l’aspect alchimique des relations au sein des différentes compositions possibles, on peut de fait constituer une équipe avec les cinq meilleurs joueurs du monde aux cinq rôles nécessaires à la réussite d’une équipe. Il est difficile d’affirmer quels sont ces joueurs, mais dans l’idée, c’est ce que FaZe Clan essaye de faire.
Cela constituerait aussi un pas de plus vers la professionnalisation de Counter Strike, puisqu’on s’éloignerait alors des équipes formées autour d’une bande de potes à la NiP ou Fnatic pour se diriger vers des équipes construites uniquement dans l’objectif de gagner.
Ce serait sans doute aussi une bonne opportunité pour commencer à laisser les coachs avec une excellente vision de jeu constituer entièrement des équipes. Il est en effet bien plus simple pour un coach d’effectuer correctement son travail avec une équipe constituée par ses soins et qui pourra alors fonctionner selon sa vision du jeu directement.
Cependant, ces avantages suffisent-ils à convaincre les joueurs ?
Difficile de communiquer dans la langue de Shakespear
Sur le papier, la formation d’une super équipe internationale semble être une bonne solution pour se hisser vers le sommet. Il y a néanmoins de quelques barrières qui doivent être franchies par les joueurs avant de pouvoir démocratiser de telles formations.
La langue reste un problème. On voit de plus en plus de joueurs parler un anglais très correct, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il est facile de communiquer en anglais pendant un match. Sur les scènes League of Legends et Dota, il n’existe quasiment aucune équipe européenne nationale. On imagine alors qu’il devrait être possible de démocratiser ce principe pour Counter Strike. Mais dans les faits, la communication sur CS est bien plus exigeante que sur les autres jeux. A minima, il faut être capable de nommer rapidement et avec précision toutes les positions potentielles des joueurs sur les sept cartes. Il faut que le leader soit en mesure d’énoncer clairement des tactiques qui peuvent être complexes, il faut pouvoir annoncer ce qu’un ennemi est en train de faire, il faut pouvoir exprimer son idée sur un plan de jeu en fonction d’une action observée quelque part… Rajoutez à ça la pression d’un match à enjeu sur scène, la réactivité nécessaire et le fait de devoir s’exprimer dans une langue qui ne nous soit pas naturelle et vous obtenez sans doute la raison principale sur le peu d’équipes internationales présentes. On l’a vu avec la première itération de Kinguin, le problème le plus souvent relevé était la communication durant les matchs.
Toujours dans le même registre, mais cette fois-ci hors du jeu, il est beaucoup plus difficile de se lier, de rigoler avec des gens en communiquant dans une langue étrangère. Même en ayant la meilleure équipe du monde sur le papier, il est très compliqué de réussir sans avoir une bonne ambiance interne.
ScreaM est écarté de G2 pour des problèmes de communication
Des équipes changeantes
Malheureusement, ces équipes internationales sont aujourd’hui constituées en grande majorité par des joueurs exclus de leur scène nationale ou sans scène nationale. Même si ces équipes se forment aujourd’hui avec pour objectif de grimper dans l’échelle mondiale, ces équipes sont plus sujettes aux changements de joueurs que les autres.
Elles représentent une opportunité très intéressante pour quelques joueurs excellents qui ne disposent pas d’une scène nationale très développée, on peut citer en exemple Nikola ‘NiKo’ Kovač ou le jeune talent Robin 'ropz' Kool. Des changements sont néanmoins beaucoup plus fréquents qu’avec les autres équipes puisqu’il est possible de potentiellement remplacer n’importe quel joueur par un talent montant de n’importe quel pays si les résultats faiblissent. C’est ce qui vient de se passer pour FaZe Clan qui a écarté Fabien 'kioShiMa' Fiey et Aleksi 'allu' Jalli suite au mauvais résultat du dernier Major.
Du côté des joueurs venant d’une scène nationale fournie, ces équipes peuvent devenir un moyen pour les joueurs de se maintenir à niveau en attendant une offre intéressante dans leur pays d’origine. C’est le cas fin 2015 avec Dennis ‘dennis’ Edman qui quitte G2 Esport pour fnatic. Même si la tendance devrait aller vers la stabilité avec le temps puisque le niveau des équipes internationales augmente considérablement, la menace du départ d’un joueur ayant le mal du pays reste bien présente.
Les nouveaux OpTic suffiront ils à réellement lancer les équipes internationales ?
Le futur de CS ? (TL;DR)
La création d’équipes internationales présente de réels avantages quant à la composition des meilleures équipes possible. Ces atouts restent néanmoins très théoriques puisqu’ils prennent en compte principalement les forces des joueurs sur le papier sans réellement prendre en compte le côté humain des choses. Les connexions entre les joueurs sont alors plus difficiles à construire et la communication, qu’elle soit en jeux ou hors jeu, peut se révéler hasardeuse et compliquée à mettre en place. Enfin, contrairement aux équipes nationales, les possibilités de changements de joueurs sont très vastes, ce qui peut favoriser la résolution de conflits par le kick plutôt que de travailler sur les problèmes de fond.
Trois ans après le premier vrai essai d’équipe internationale, celle-ci commence à fleurir avec aujourd’hui trois équipes proposant un vrai challenge à la scène mondiale en la présence de FaZe Clan, OpTic Gaming et mousesports. Cependant, afin que ce type de formation puisse réellement gagner en crédibilité, il manque une victoire en Major. L’autre alternative serait d’avoir au moins deux de ces équipes installées dans le top 5 mondial afin d'asseoir la légitimité de ce type de formations.