LoWkii : "Je veux participer au développement de l’esport en France"
Ancien joueur de l’équipe Limitless ou bien encore membre de la Paris Gaming School, Théo "LoWkii" Téchené a accepté de répondre aux questions de Flickshot.fr. Le temps d’un instant, il revient sur sa carrière, l’évolution de l’esport et sur la scène tricolore. Avec quelques surprises au rendez-vous. Deuxième partie de l’interview, à retrouver immédiatement… (première partie par ici)
D’où te vient ce côté si « collectif » dans ta façon d’appréhender le développement d’une équipe ?
J’ai fait énormément de sports collectifs, et j’ai toujours attaché énormément d’importance au fait de partager des moments ensemble. Quand la journée était finie, c’était important de continuer à passer des moments ensemble pour mieux se connaître. Tu ne peux pas seulement parler le « langage » de Counter-Strike avec ton équipe.
G2, semble avoir eu ce genre de problèmes en interne, d’ailleurs. Cette fameuse « différence » de caractère
Mais des exemples comme ça, il y en a plein, vraiment. Les équipes qui durent sont celles qui sont parvenues à devenir une sorte de « grande famille ». De notre côté, à notre échelle, c’est ce qu’on était parvenu à développer chez Limitless. Même si on n’était pas tous pareil, on savait comment se mettre un peu « de côté », parfois, dans l’optique de ne pas nuire à notre alchimie commune. Ensuite, notre coach a été d’une grande utilité pour ça. Il a fait des études de coaching professionnel, et ça nous a permis de découvrir plein d’exercices hyper intéressants avec lui. Justement, pour développer cette cohésion de groupe.
Tu penses que la présence d’un coach est vraiment utile pour ça ? On voit que chez Astralis, zonic a l’air de posséder une place vraiment importante. D’ailleurs, l’équipe a failli se séparer à un moment…
Sincèrement, je pense que Astralis est en train de donner une leçon à toute la scène, justement. C’est « le modèle » à suivre. Et comme tu le dis, l’équipe a failli se séparer… et aujourd’hui ils sont l’équipe la plus en forme du moment. Cela veut bien dire quelque chose. Ensuite, ils ont embauché un coach mental qui intervenait régulièrement. C’est quelque chose d’important. Souvent, ce qui détruit les équipes : c’est les « non-dits », ou bien encore la frustration par rapport à une situation, ou à un coéquipier, une « attitude » particulière, peut-être.
Dans le monde du sport, ou plus généralement dans la « vie », on parle souvent de rencontres « capitales » pour la suite de son parcours. Pour mon cas, je pense que je ne serais pas le même aujourd’hui si je n’avais pas rencontré heuka notamment (l’ancien leader in game chez aAa, zet, et eSport-Eu, nda). Il m’a aidé à voir le travail et l’investissement personnel sous un angle différent. Quelle place occupe Nicolas Besombes dans ta carrière ?
Je vais te dire : même quand il n’avait pas de « raisons » de le faire, il prenait quand même de mes nouvelles. Il cherchait à savoir si tout se passait bien pour moi. Clairement, c’est le genre de personnes - qui ne vient pas à la base de ce « milieu », mais qui s’y intéresse véritablement. Son analyse est plus que pertinente parce qu’il part d’une position totalement « neutre » et vraiment objective. Vraiment, je dirais que l’esport a grand besoin de ce genre de personnes, qui n’ont pas de préjugés négatifs ou des aprioris sur la discipline.
On a besoin de personnes « comme ça » pour développer le côté « institutionnel » de l’esport. Parce que ; aujourd’hui, malheureusement, il y a beaucoup de personnes qui ont su se placer au bon moment et qui profitent de la situation, ou plutôt de l’explosion de l’esport à grande échelle. Et dans certains cas, ce ne sont pas forcément les personnes les plus intéressantes ou les plus bienveillantes. Il ne faut pas croire que tout le monde est bien intentionné dans l’esport. Lui, Nicolas, il permet de remettre en question plein de sujets. Et cela permet de faire avancer la discipline.
D’autres personnes ont influencé sur ton parcours ?
Je dirais Lambert, qui était un peu mon « papa » dans le jeu, on s’est toujours adoré. Quand je suis rentré chez Platinium, il m’a fait une vraie faveur en me laissant prendre l’AWP. Ce n’est pas rien, c’était lui le sniper de l’équipe auparavant. C’était une belle preuve de confiance, en me prenant sous son aile également. C’est vraiment l’équipe qui m’a permis d’exploser et à prendre le jeu sous un angle encore plus sérieux.
Après, maleK, aussi (même si on n’est pas en très bon terme aujourd’hui), il faut reconnaitre qu’il m’a pris dans ma première équipe vraiment sérieuse. On a gardé le contact ensuite. Et c’est grâce à lui que j’ai rencontré les structures qui m’ont permis de gagner un peu d’argent durant ma carrière. Je ne peux pas oublier ça, malgré tout. Ça m’a permis de me payer mon appart’ à l’époque, et de porter le tag d’une organisation prestigieuse. C’était quelque chose d’appréciable de jouer chez EPSILON.
Pour finir, je dirais Marco, qui était le CEO de Limitless, qui est devenu un vrai ami à moi aujourd’hui. Il m’a vraiment aidé pour plein de choses. Il a toujours été là pour moi. Puis, Gary, une rencontre récente mais qui reste déterminante dans ma carrière. La confiance que m’accorde Yann-Cédric Mainguy aujourd’hui me rend vraiment heureux, aussi. Quand j’y pense, j’ai eu pas mal de rencontres « positives » quand même.
Et pour ton avenir, tu as déjà des idées ? Tu veux rester présent sur la scène esport tout de même ?
Clairement, oui. J’ai envie d’y bosser durablement, de participer même au développement de la discipline. Aussi, j’ai envie de questionner plein de sujets dans l’esport. Comme par exemple, la qualité des évènements français. Ensuite, étant ancien joueur, je vais m’intéresser à la « vie de joueur », au rôle de manager, de coach, au cast aussi, encore, évidemment.
Si je peux rebondir prochainement dans une équipe française, cela me ferait vraiment plaisir. Après, ce qui m’intéresse véritablement, c’est la partie « organisation » des tournois, la partie logistique et évènementiel. J’ai monté un collectif dans le son à Bordeaux il y a 2 ans, et j’adore cet aspect-là. Gérer toute l’organisation d’un évènement dans l’esport, c’est quelque chose qui m’intéresse vraiment. Mais, il va falloir travailler pour ça et acquérir encore de l’expérience. Ce ne sont pas des sujets faciles.
Tu as joué pendant un bon moment au rugby. Est-ce que tu retrouves des parallèles similaires entre l’intensité nerveuse d’un match de rugby, et celle d’un match Counter-Strike ?
Bien sûr, il n’y a pas l’intensité physique, mais tu peux retrouver quelque chose de similaire au niveau de l’intensité nerveuse. Si tu veux vraiment comparer avec le sport traditionnel et le rugby en l’occurrence, je dirais que l’esport ressemble surtout à l’avant-match avec la même pression. Quand tu te retrouves dans les vestiaires, avec toute cette tension, tout le monde en cercle… il y a quelque chose de similaire au niveau du « ressenti » et de « l’adrénaline ». Tu ressens la même chose à quelques secondes de monter sur scène, ou avant de jouer un très gros match. Tu es en folie dans ton cerveau, tout se passe très vite… tu penses à tout ce qui va se passer… c’est très intense.
Aussi, je pense que le fait de ne pas pouvoir se « dépenser » physiquement fait que tu intériorises beaucoup « d’émotions » durant un match de CS. Quand je jouais, je faisais le maximum pour qu’on puisse avoir des contacts physiques dans mes équipes - en se tapant dans les mains pour s’encourager principalement, et pour extérioriser, justement. Quelque part, je cherchais à maintenir « l’énergie » entre nous
Je comprends entièrement ce que tu veux dire, et je pense que tu as raison sur ce point. Moi, je faisais partie des joueurs qui cherchent à extérioriser le plus possible en criant, en me levant. J’ai tellement d’énergie, qu’il faut que je trouve comment me dépenser pendant la partie aussi. D’ailleurs, c’est ce qu’un mec comme Ozstrik3r a ramené aujourd’hui en tant que coach, ou même Krav. Avec leurs grandes gueules (rires) !
Ça fait quoi de voir Oz sur la scène, justement ?
Sincèrement, je le connaissais un peu d’avant, et puis surtout, il nous a coachés quand on était chez Platinium durant deux tournois quand je jouais avec Lambert. Je vais te raconter une anecdote sur lui, d’ailleurs. A un moment, il m’a pris à part. Et franchement, il m’a vraiment transformé ! Il m’a sorti un de ces discours… j’étais totalement sidéré. Je me suis transformé en « animal » et j’ai fait mon meilleur match du tournoi ! On gagne la LAN en plus, c’était magique… Oz, il a vraiment sa place comme coach aujourd’hui, c’est évident. La scène a besoin de ce genre de profils un peu « atypiques », avec la rage de vaincre en permanence ; l’envie de se battre tout le temps !
Counter-Strike, ça peut aller très, très vite. Sans « énergie positive » ou sans « moteur », tu peux vite être dépassé. Par exemple, LDLC : sans ALEX (qui est un vrai moteur pour son équipe, en plus d’être le leader in game), et avec RpK (qui est beaucoup plus calme), on a senti une équipe un peu dépassée par moment, sans ressources mentales. Après, il faut aussi faire attention à prendre des mecs qui connaissent bien le jeu également, et pas seulement des mecs qui se servent de leur passé pour revenir sur la scène en tant que coach. Crier, pour crier, ce n’est pas ça le travail d’un coach. Moi aussi je peux le faire (rires) !
Cela fait quoi d’avoir un article dans Sud-Ouest à son nom ?
Franchement, j’ai buggué (rires) ! J’avais reçu un tweet du journaliste en question, je pensais qu’il s’agissait d’une petite interview, rien de plus… Et là, le mec me sort que je vais avoir une page pleine. Le type, était vraiment adorable ! Je suis toujours en contact avec lui d’ailleurs. Quand mes potes et ma famille, ont vu ça, ça m’a vraiment fait quelque chose. En plus, tout le monde n’est pas forcément au courant dans mon entourage : je ne me trimballe pas en permanence avec le maillot de mon équipe (rires) ! Après, ça j’ai reçu beaucoup de messages, du soutien de la part de certaines personnes qui n’étaient pas au courant. Un kiff ultime !
Tu penses quoi du niveau affiché par G2 récemment ? A titre individuel, j’ai été très impressionné par body
Complètement d’accord avec ça, body est vraiment très, très fort en ce moment. Pour le coup, j’avais des réticences avec leur équipe. Même si je les respecte au plus haut point, j’avais des doutes, je me disais que ça manquait peut-être un peu de « niaque » sur le papier. Pour le moment, je suis agréablement surpris, mais également un peu déçu. Pourquoi ? Déjà, encore une fois : oui, je suis très convaincu par body, il fait son taff, voir plus que ça. Le nombre de rounds où il a un impact capital… vraiment, trop fort. SmithZz aussi, j’étais le premier à dire que son retour était une bonne chose, mais ce n’était pas gagné d’avance. Et là, bah le mec est juste trop fort (rires) ! C’est parce qu’il a acheté une souris sans-fil (rires)
Ça va faire plaisir à MaT ça, ce petit passage sur l’absence de fil
(Rires) Oui ! Non, mais sérieusement, SmithZz est trop fort ! Mais voilà, pour le moment, je suis assez déçu par kenny quand même, j’en attends tellement plus. Je veux le voir beaucoup plus mobile, plus « fou fou » dans le jeu. Pour moi, ce n’est pas encore le cas aujourd’hui. Ensuite, Ex6 me déçoit un peu, je l’adore, je le trouve trop fort, vraiment. Mais, ça manque encore un peu de skill. Forcément, il est focus sur le lead in game mais il faut qu’il puisse gagner ses duels. Je l’ai vu un peu douteux sur certains choix aussi.
Après, shox semble revenir à un gros niveau. Si G2 a gagné des matchs récemment, c’est aussi grâce à lui. Mais bon, je m’attendais forcément au Richard de la fin de saison dernière… Disons qu’il faut encore du temps pour qu’ils puissent être à leur vrai niveau. Les mecs ont reçu tellement de critiques ; il fallait aussi gérer leur histoire avec la structure… Peut-être qu’ils ont encore beaucoup à donner. Et qu’on n’a pas encore tout vu.
Et puis, il peut y avoir des histoires en interne qu’on ignore. La situation chez G2 à l’époque avec NBK influait forcément sur son lead, sur son mental. Du moins, cela pouvait être le cas… tu penses que les gens oublient aussi un peu qu’on ne peut pas juger une équipe sans avoir toutes les informations entre les mains ?
Bien sûr, les gens de l’extérieur ont énormément de mal à se rendre compte de tous les petits problèmes qui peuvent exister et nuire au développement de l’équipe. Il y a tellement de problèmes possibles, personnels pour un joueur, ou collectifs pour le groupe. Quand tu n’es pas focus, tu ne perf pas de toute façon, c’est aussi simple que ça. Et souvent, les gens se disent : « Les joueurs sont pros, ils sont payés chers. Du coup, ils doivent démonter tout le monde ! ». Mais ce n’est pas toujours aussi simple, il faut savoir trouver l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Et savoir faire les bons choix de composition d’équipe. Regarde les anciens SK par exemple, tout fonctionnait avant. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas…
Pour conclure, on va s’offrir un petit jeu ensemble : je te pose une question, tu dois répondre illico, sans réfléchir trop longtemps... On démarre : une Dream Team sur CS, en France ?
On va dire, déjà, kenny et shox, obligé ! Ensuite, kio en leader in game. J’y crois, je suis convaincu qu’il peut endosser ce rôle, vraiment. Il a l’air vraiment prêt à se sacrifier pour réussir en tant que leader. Ensuite, je prendrais hAdji, il est vraiment, très, très fort. Et en dernier, NBK… Parce que NBK, quoi. Il est vraiment trop fort… il a une vraie prestance en plus. Sa période avec mixwell chez G2, ça prouve que le mec a des couilles.
kennyS, shox, hAdji, kioShiMa, NBK.
La même chose, en inter maintenant…
(Il répond immédiatement…) dev1ce, beaucoup trop fort ! En leader, je mettrais bien tarik, même si ça peut surprendre un peu : il dégage quelque chose d’intéressant, et il a l’air de bien gérer les rapports humains en plus. Ensuite, s1mple, « l’évidence ». Puis, Xyp9x : parce que c’est important d’avoir le meilleur clutcher au monde, ça peut te rapporter pas mal de rounds. Et pour finir, je dirais mixwell, parce que j’adore ce joueur… il a une polyvalence absolument folle. Et il a l’air très, très intelligent in game. Il vient encore de le prouver en jouant avec une équipe danoise, en étant espagnol… ce n’est pas forcément facile de bien s’intégrer dans ces conditions. Et lui, il fait un événement énorme…
Xyp9x, dev1ce, s1mple, tarik, mixwell.
BO3, ou BO5 ?
Franchement, je ne suis pas fan des BO5 donc BO3. BO5, c’est beaucoup trop longtemps. Pour le spectateur, comme pour les joueurs… Un bon BO3 accroché, c’est royal ! Les finales en BO5, mon dieu… c’est gavant parfois.
FalleN, ou gla1ve ?
Sans hésiter une seconde, FalleN.
XTQZZZ, ou Zuper ?
Vraiment, j’adore Zuper, je ne le connais pas encore très bien, mais je l’adore déjà. Mais je suis forcé de répondre XTQZZZ : c’est un ami de longue date, et mon ancien coach. Quelqu’un de bien en plus, vraiment.
Cache ou Mirage ?
J’adore cache donc je vais dire cache. Mais la nouvelle mirage est terrible, il faut le noter quand même.
LoL ou Overwatch ?
Overwatch. J’y ai pas mal joué avec jeNkins (un ancien pro) durant ma période à la PGS, et j’ai vraiment kifé le jeu ! Super sympa !
Pizza Ananas, ou respect des traditions ?
Respect des traditions !
Interview réalisée par Philippe "faculty" Rodier, ancien joueur 1.6 et auteur de "Jouez sérieux. Le phénomène esport raconté par les gamers".
Photos HLTV & Gameblog